Lundi 4 juin 2018 – Un forum ouvert à tous avec trois heures de rencontres entre acteurs publics et privés pour demander plus d’ambitions à la future loi Pacte.
Ce jeudi 31 mai 2018 s’est tenu à Paris une rencontre sur la loi Pacte à l’initiative de Convergences, la Fondation Agir Contre l’Exclusion, la Fondation des Transitions et la Sorbonne Développement Durable. L’occasion pour ces dernières de souligner qu’«hier encoreles entreprises obéissaient d’abord aux intérêts de leurs actionnaires et l’intérêt général relevait des préoccupations et de l’action des pouvoirs publics. Aujourd’hui, cette partition n’a plus vraiment cours, le bien commun est devenu l’affaire de tous. Alors, la future loi PACTE, qui prend en compte ces évolutions, contribuera-t-elle vraiment à mettre les entreprises au niveau d’ambition fixé par les Objectifs de Développement Durable de l’ONU ? En capacité de contribuer à la construction d’un monde zéro exclusion, zéro carbone, zéro pauvreté ? ».
Avec 1000 inscrits, c’est une mobilisation en masse qui a eu lieupour lancer un appel au gouvernement et aux parlementaires, afin qu’ils donnent toute son ambition à la Loi PACTE, pour qu’elle intègre réellement les recommandations du rapport Notat/Sénard en faveur de l’élargissement de l’objet social de l’entreprise, la reconnaissance de l’entreprise à mission, et plus globalement une prise de responsabilité renforcée, tant pour maîtriser les impacts que pour offrir des solutions face aux grands enjeux de ce début de siècle.
Les organisateurs et acteurs du colloque appellent à l’ouverture d’Etats Généraux Européens de l’entrepreneuriat RSE (Responsable, Solidaire et Engagé) pour mettre en commun les innovations juridiques et financières, les modèles économiques et commerciaux, et les meilleures pratiques intégrant le bien commun, et promouvoir un véritable modèle européen d’entreprises...
SyNTHèse des travaux
31 mai, Théâtre des Variétés
La priorité est de s’inscrire en transversalité, en croisant l’expérience de l’économie sociale et solidaire, des entreprises « non profit », de l’économie capitalistique, des startups… Il est important de reconnaître le facteur créativité aux côtés de la responsabilité, y compris « par l’introduction de visions holistiques » selon l’expression du président de Sorbonne Développement durable, Yann Toma. « La plupart des grands groupes veulent accélérer leur transformation, c’est maintenant qu’il faut le faire ! Nous entrons dans une logique de droits et de devoirs partagés » (Pierre-Alexandre Teulié, Président de la Fondation des Transitions, DG Communication Externe, Affaires Publiques, E-business et Développement Durable de Nestlé France). Pour Convergences, par la voix de son vice-président Jean-Luc Perron, « les mesures préconisées par le rapport Sénard-Notat encourageront toutes les entreprises à mettre la RSE au cœur de leur stratégie et à se développer non pour maximiser leur profit, mais pour réaliser leur raison d’être. Elles permettront à celles qui veulent s’engager au service d’une cause d’intérêt général de le faire au vu et au su de tous, avec des objectifs affichés et des indicateurs robustes d’impact social ou environnemental. »
Pour la Fondation Agir contre l’exclusion, représentée par son délégué général Vincent Baholet :« un plan d’action au service de l’Homme, c’est d’abord une question de sens. Mais, il faut accompagner les entreprises… par taille, par secteur. Comment fait-on société avec le monde de l’entreprise ? »
Le député du Rhône Bruno Bonnel affirme haut et fort : « La Loi PACTE sera un accélérateur de transformation et de répondre à cette question : à quoi cela sert de créer une entreprise ? Le social et l’environnemental ne sont pas des options. Prenons la société responsable par défaut. »
En introduction de la rencontre, Armand Hatchuel – professeur à Mines Paristech - a rappelé que cette vocation de l’entreprise n’est pas nouvelle, elle vient directement des mouvements culturels et normatifs de la fin d 19esiècle (scientifique, humanitaire, solidaires…). Il alerte directement sur les risques de mise en danger des avancées par la financiarisation. Il faut selon lui concevoir l’entreprise à mission non comme le résultat « d’une vocation ou d’une norme de réputation mais comme une forme nouvelle d’entreprise adaptée à notre époque ». Elle permet d’associer profits et missions comme deux objectifs stratégiques en symbiose.
C’est pour cela qu’Anne-Catherine Husson-Traore, directrice de Novethic insiste sur la recommandation numéro 9 du rapport Notat/Sénard qui lie le comportement responsable de l’actionnaire à celui de l’entreprise : « La loi PACTE est l’occasion de promouvoir un modèle intégré au service de la transition vers une économie bas carbone et inclusive ». Ainsi émerge une notion de capitalisme responsable promu par Caroline de la Marnierre, directrice générale de l’Institut éponyme : « une dimension à la fois économique, sociale, sociétale, éthique, politique et écologique… s’inscrivant dans la durée ». Cela veut dire aussi qu’il est nécessaire d’innover y compris sur les modes de financement. Agnès Tourraine, présidente de l’Institut Français des administrateurs insiste sur l’engagement : « Nous portons une vision politique de l’entreprise qui ne doit pas être que de la bonne conscience, un grand débat sociétal.Il existe un modèle continental européen, la France a un rôle à jouer. Il n’y a pas de RSE sans partage de la valeur. ». La Banque publique d’investissement, représentée par Catherine Borg Capra insiste sur la nécessité d’avoir une vision globale.
« Mesdames et messieurs les membres du gouvernement vous pouvez être ambitieux, l’entreprise à mission et à objet social élargie existe déjà… Mais elle a besoin d’un cadre juridique qui permette de changer d’échelle ».(Gilles Berhault, délégué général de la Fondation des Transitions).
Des entreprises de toute taille agissent. C’est le cas de la CAMIF qui pose la question de fond : « Les entreprises peuvent-elle se contenter de faire du profit ? Je suis convaincu que les entreprises qui n’auront pas de bénéfices sociaux et environnementaux avérés n’auront bientôt plus de bénéfices économiques. La CAMIF est devenue une des premières entreprises à mission de France en inscrivant la sienne dans ses statuts ». C’est aussi une façon de rétablir la confiance entre les Français et les entreprises. La CAMIF comme d’autres s’est impliquée dans le mouvement mondial B Corp avec aussi bien des grands groupes internationaux, que des TPE, des entreprises de la FrenchTech et des acteurs de l’ESS. Benjamin Enault rappelle que les sociétés à Bénéfice étendu existent en Argentine, en Italie et bientôt en Angleterre (Benefit Company). La question de l’organisme certificateur est posée, c’est une nécessité. L’entreprise peut alors « construire une économie prospère et durable pour tous » (Elizabeth Soubelet). Il faudra pour cela faire preuve d’actes concrets et donc que « la Loi Pacte se dote d’une obligation d’évaluation accessible, objective et comparable. »
Ce changement d’échelle est en cours chez Danone, s’appuyant sur la réussite de nombreuses actions portées au plus haut niveau de l’entreprise. Et Hugues Sartre, co-directeur de GeoPLC affirme : « Nous sommes convaincus qu’en travaillant je participe à sauver le monde ».
D’autres exemples originaux sont inspirants. Ainsi le Groupe Pierre Fabre (santé et cosmétiques) a la particularité d’être détenu à 86 % par une fondation reconnue d’utilité publique qui agit pour des publics en difficulté notamment en Afrique… Les salariés disposent de 8 % du capital. « Nous sommes des acteurs de la transformation sociale au service de l’intérêt collectif. Il est urgent de donner aux entreprises un cadre législatif reconnaissant et valorisant cette responsabilité ».
Stéphane Aver, président d’Aaqius insiste sur la transformation en cours : « l’entreprise du 21esiècle est un véhicule qui sert à porter les projets de convergence des transitions et de production de valeur. Les nouvelles missions de l’entreprise sont celles qui nous permettent d’attirer de nouveaux talents. Pour sortir de l’approche verticale, de gérants et de rentiers, nous devons modéliser une nouvelle forme de partenariats à grande échelle multi-acteurs et multilatéraux de l’Objectif 17 des ODD ».
Des acteurs académiques, juridiques, associatifs, économiques ont profité du 31 mai pour affirmer leur « envie d’une Loi PACTE ambitieuse », insistant sur différents aspects.
Frédérique Lellouche de la CFDT : « Rééquilibrer travail et capital est nécessaire. La stratégie de l’entreprise ne peut faire abstraction du fait que la création de valeurs est l’œuvre d’un collectif de travail s’inscrivant dans un environnement et un territoire. Une évolution du cadre légal est nécessaire, surtout la révision de l’article 1833. » La CFE/CGC insiste sur l’intégration globale des Objectifs de développement durable. Si Myriam Maestronien tant que Présidente du Mouvement des entreprises de la nouvelle économie insiste sur la conciliation possible entre intérêt général et création de valeurs économiques et financières, elle propose au nom de son organisation de façon très opérationnelle la création d’un fond de pérennisation des entreprises…
Ainsi Alissa Pelatan, avocate spécialisée en économie sociale et solidaire et investissement à impact, milite pour une intégration de la responsabilité des dirigeants et pour la liberté de créer des « nouveaux modèles hybrides ». Pour la Fabrique Spinoza c’est l’opportunité d’un « plaidoyer humaniste et économique pour une prise en compte de l’objet social des entreprises ». C’est aussi la formation qui doit renforcer sa place, comme le souligne Francis Jutand DGA de l’IMT : « Les écoles d’ingénieurs ont pour mission de former les femmes et les hommes pour agir dans l’entreprise et la société en apportant les avancées des sciences et des technologies, les capacités d’invention de solutions et d’ingéniosité dans le long terme. » Florent Pratlong de l’Université Paris Panthéon Sorbonne renforce l’idée que l’Université doit prendre toute sa place pour accompagner les entreprises vers une vraie prospective économique, dans une approche ouverte et partenariale, encouragée par la loi.
Stanislas Guerini (député LREM de la troisième circonscription de Paris) : « PACTE c’est un plan d’action, tout ne sera pas dans la Loi. Ce que vous faites aujourd’hui est important…Il faut garantir la pérennité des entreprises à mission… Je suis pour que l’on crée les entreprises à mission ».
Dominique Pottier (député Nouvelle Gauche de Meurthe et Moselle) :« Il faut réécrire le code Napoléon… La suprématie actionnariale est un mal, il faut plus de codétermination. L’essentiel est dans les principes de loyauté, avec une vérité sur la répartition des valeurs. Et nous avons besoin d’un label public pour la RSE. »
L’exceptionnel succès de cette rencontre « Loi PACTE et développement durable » prélude à une grande mobilisation de tous ceux qui portent l’idée que l’entreprise peut prendre toute sa place positive dans la société. Les initiatives prises sont intéressantes mais elles ne sont pas à l’échelle pour maintenir le réchauffement climatique global à un niveau acceptable, ni pour préserver une qualité de vie et la santé, ni pour éviter les exclusions.
Les organisateurs et tous ceux qui les rejoignent veulent porter ce message, et sont disponibles pour accompagner ces transitions. Ils appellent à l’ouverture d’Etats Généraux Européens de l’entrepreneuriat RSE (Responsable, Solidaire et Engagé) pour mettre en commun les innovations juridiques et financières, les modèles économiques et commerciaux, et les meilleures pratiques intégrant le bien commun dans la raison d’être des entreprises.
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